Me voilà pour la 3ème fois au départ de l’Ultra Trail du Mont Blanc après 2014 et 2016, 2 participations soldées par un abandon. Cette année je suis bien décidé à boucler la boucle et pour cela je ne me fixe pas d’objectif de classement ni même de temps. Juste franchir cette ligne d’arrivée à Chamonix après 168km et 9600m+/- !

photo UTMB/D.R

Quelle ambiance au départ pour cette édition annoncée comme la course du siècle avec les meilleurs mondiaux et un duel de titan entre Kilian Jornet, Jim Walmsley, mon compatriote beaujolais François D’Haene et tant d’autres. J’ai la chance de pouvoir me glisser dans le sas élite et d’y arriver une vingtaine de minutes avant le départ repoussé à 18h30. Mais contrairement aux années précédentes je m’assois à l’arrière en compagnie de Stéphane Deperraz. Les minutes passent vite, la musique et les mots de Ludo Collet font monter la pression mais pourtant je me sens bien, pas stressé, juste envie de partir courir …

A 18h30 nous sommes libérés et c’est acclamés par des milliers de spectateurs pendant plusieurs kilomètres que nous nous éloignons de Chamonix. Je déroule tranquillement, sans chercher à allonger la foulée pour remonter vers la tête de course. Aux Houches je prends le temps de remplir une bouteille d’eau avant de repartir sous les encouragements de la petite famille d’Olive que je devrais retrouver cette nuit à Courmayeur. Dans le col de Voza la plupart des coureurs ont sorti leurs bâtons mais pas moi qui depuis 3 ans ai décidé de faire sans … Je retrouve Frédéric Jung, un coureur avec qui j’ai beaucoup de courses en commun mais sur lesquelles nous n’avons pas toujours l’occasion de discuter.

Cette fois nous avons le temps de parler un peu et c’est sans m’en apercevoir que nous arrivons au sommet après 1h27’36 » de course. 4 minutes de plus qu’en 2016, juste ce qu’il faut pour ne pas se griller, d’autant qu’il fait beaucoup moins chaud cette année ! Je fais une descente prudente sur St Gervais avec un petit arrêt pipi (urine claire tout va bien 🙂 !) et me fais doubler par quelques concurrents dont Andréa Huser qui semble très à l’aise. Il fait déjà nuit et il y a une ambiance de folie dans les rues éclairées de la ville. J’y croise plein de copains et notamment mon camarade du Team Trace de Trail Yoan, des potes coureurs de Villefranche ou François le haut-savoyard qui me glisse des encouragements en passant. Je prends une soupe et une banane au ravitaillement et repars direction les Contamines. Je cours un moment avec l’américaine Amanda Basham dont le rythme me convient bien puis à la faveur d’une petite côte reviens sur Andréa Huser. A défaut de courir avec les meilleurs mondiaux masculins, je cours au côté du top des nanas ! La pluie fait son apparition et j’enfile ma veste Craft Grit Imperméable que j’avais gardé enroulée autour de la taille depuis le départ (mode tranquillou je vous dis !!) .

Aux Contamines je retrouve Murielle à l’assistance. Je bois une soupe que j’accompagne de morceaux de polenta et je fais le plein de vivres avant de repartir. A la sortie du village j’ai la chance de pouvoir souhaiter une bonne nuit à ma petite Marianne avant de m’enfoncer dans la pénombre menant à Notre Dame de la Gorge. Cette fois c’est la brésilienne Fernanda Maciel que j’ai la chance de côtoyer. On attaque ensemble la longue ascension vers le Col du Bonhomme sous les encouragements des spectateurs toujours nombreux malgré l’heure tardive. On rejoint Benoit Dupraz un coureur lyonnais avec qui je discute un petit peu avant de prendre quelques longueurs d’avance sur un passage roulant. A la Balme je prends le temps de boire à nouveau une soupe et je croise avec plaisir Sébastien Baron des Beaujolais Runners. Il m’informe de ce qu’il se passe en tête de course mais pour tout dire je suis plutôt concentré sur ce que je fais …

photo UTMB/D.R

La fin de l’ascension vers le col de la Croix du Bonhomme se passe bien malgré le brouillard épais et des températures glaciales et la traversée jusqu’au refuge que je n’avais pas aimé l’an dernier se passe sans encombre cette fois-ci. Tout comme la descente sur les Chapieux (km 50) que je redoutais tant. Mais malgré le sol glissant et un peu de boue je négocie cette section sans encombre seulement doublé à nouveau par Andréa. Je retrouve la chaleur humaine du ravitaillement après 6h21′ de course (96ème). Ici a lieu le traditionnel contrôle du matériel obligatoire et je me fais une petite frayeur en constatant que la poche dans laquelle je pensais avoir glissé le téléphone portable est ouverte et vide … Heureusement c’est à l’opposé que j’ai mis le portable et j’évite avec soulagement la disqualification. La veste et le maillot manches longues sont sur moi et la couverture de survie bien rangée dans le sac. Tout est ok ! Je prends 5 minutes pour remplir mes bouteilles et y mettre de la poudre énergétique et boire aussi une soupe chaude. Il y a Sébastien Chaigneau (2 podiums à l’UTMB) dans la tente qui malgré une blessure a encore le sourire.

La longue section sur route jusqu’au pied du col de la Seigne a cette année été remplacée par du sentier vallonné et c’est avec surprise que je découvre ce changement. C’est beaucoup plus accidenté mais l’alternance marche-course se fait avec moins de remords ! Je me sens bien et gagne quelques places et l’ascension régulière jusqu’au col se passe sans encombre. Je ne m’attarde pas au sommet, ça souffle et caille sévère, et m’élance dans la descente vers l’Italie. Pas de passage technique vers les Pyramides Calcaires cette fois-ci, ce n’est pas pour me déplaire et je peux courir jusqu’au ravitaillement au lac Combal. Une nouvelle soupe chaude et c’est reparti pour quelques kilomètres de plat sur lesquels je trottine avant le pied de l’ascension vers l’arête du Mont Favre où je rejoins Stéphane Deperraz. La montée à 2 passe plus vite et on profite du ciel laissant apparaître des étoiles. Au sommet nous formons un quatuor de français en compagnie de Ludovic Bourgeois et d’Emilie Lecomte.

La descente roulante vers le col Chécruit se passe bien même si je dois laisser partir Ludovic. Arrêt express devant le refuge pour une soupe et une tranche de jambon blanc et c’est parti pour la descente très raide sur Courmayeur dont j’aperçois les lumières tout en bas. Je fais une descente très prudente pour essayer d’économiser mes quadriceps et je me fais doubler par quelques coureurs n’ayant pas la même stratégie. Après 78km et 10h47′ de course je retrouve Olive dans la grande salle faisant office de base vie. Tout est prêt, je peux changer de maillot et me restaurer même si ce que j’avais préparé ne me fait finalement pas trop envie. Je bois du thé sucré aussi pour m’éviter l’envie de dormir que j’avais ressenti en 2014 et qui m’avait obligé à dormir un peu au refuge Bertone. Il y a des têtes connues autour de moi dont Fernanda Maciel qui ne s’arrête pas longtemps ou encore Thomas Pigois.

Au total je m’arrête 17′ et je repars seul en direction du centre ville complètement désert (il est 5h30 du matin). Seul un japonais qui ne semble pas vouloir marcher me sert de point de mire en début d’ascension avant de disparaître de ma vue. Là encore la grimpée à Bertone se passe bien, pas super rapide mais sans le coup de mou tant redouté et avec le jour qui se lève le moral est au beau fixe. Les montagnes font leur apparition et les Grandes Jorasses enneigées toujours aussi impressionnantes. La partie roulante jusqu’au Refuge Bonatti passe vite même si je ne cours pas de partout. C’est finalement pas si plat et ces montagnes russes sont bien usantes. Je rejoins à nouveau Fernanda avec qui j’arrive au refuge en compagnie d’un polonais et d’un slovaque. Autant vous dire que je ne discute pas trop ! J’y prends un nouveau thé dans ma petite brique cartonnée faisant office de gobelet et repars direction Arnouvaz. Cette partie relativement roulante ne me permet pas de gagner de places mais je n’en perds pas non plus. La mi-course est passée depuis quelques kilomètres déjà et j’arrive au ravitaillement après 14h10′ de course (90ème). Je discute quelques instants avec les bénévoles et un reporter du Dauphiné Libéré qui me connait et me photographie tout en buvant une nouvelle soupe. Puis il est temps de reprendre la route direction le Grand Col Ferret.

Une longue ascension qui se passe bien, au rythme des dépassements de nombreux randonneurs. Je gagne même quelques places durant la montée et le final se fait en compagnie de deux japonais et d’un chinois. Au sommet, point culminant de l’épreuve on ne s’attarde pas, le vent glacial souffle fort et nous plongeons direction la Suisse pour une longue descente entrecoupée tout de même de quelques petites côtes. Pas de problème particulier me concernant mais je n’arrive pas trop à me lâcher si bien que je perds quelques places. Mais pas d’inquiétude je sens que mes jambes ne sont pas trop meurtries pour le moment et qu’elles sont capables de me mener au bout de l’aventure.

A la Fouly quel plaisir de retrouver la famille ainsi qu’Olivier et Jean-Claude Banfi. Même si l’assistance y est interdite ça fait du bien de recevoir leurs encouragements et de constater que ma petite puce a passé une bonne nuit ! Je ne m’arrête malgré tout que 3 minutes et repars pour une longue portion roulante jusqu’au pied de Champex. Et là surprise, pratiquement que de la route pendant une dizaine de kilomètres ! Le profil est plutôt descendant et au moins les bornes défilent plus vite. En plus mes supporters peuvent m’encourager à de nombreuses reprises, c’est sympa. Après 110km j’arrive encore à bien courir et je suis rapidement au pied de la courte grimpette vers Champex-Lac. La fatigue se fait ressentir dans la pente et je perds du terrain sur les gars qui me précèdent. Une grosse pluie fait son apparition et c’est bien trempé que j’arrive sous la tente du ravitaillement où Olive mais aussi ma famille qui a pu accéder à la zone d’assistance m’attendent.

Je me pose à une table et Olive m’incite à manger. Rien ne me fait bien envie mais il insiste car d’après lui il faut que je me restaure si je veux finir. J’essaie de me faire vomir pour alléger l’estomac à l’extérieur de la tente mais rien ne sort … Moi je ne suis pas trop inquiet, dans quelques kilomètres je vais passer là où j’ai abandonné les jambes dures comme du bois en 2014 et je sais que cette fois-ci ce ne sera pas le cas. Fatigué certes mais encore debout ! Finalement je repars après une longue halte de 25 minutes et décide de « tourner » à la banane et au Coca jusqu’au prochain ravitaillement.

Quel plaisir de trottiner dans Champex et sur le chemin très boueux menant au Plan de l’Au. Je rejoins Christelle Bard avant le début de la montée à Bovine et nous faisons le début d’ascension ensemble avec d’autres gars. Je ne suis pas très efficace et je dois laisser partir. Tout le monde ou presque a des bâtons et peut-être que je paie là mon choix de faire sans. Je ne suis pas à l’arrêt non plus et le sommet que nous passons sous des grosses giboulées de neige arrive assez vite. Je trottine plutôt bien jusqu’au col de la Forclaz étrangement désert et négocie sans encombre la descente glissante sur Trient où m’attendent mes supporters auxquels se sont joints Yoan et Judith. Bien content de passer devant la fameuse église rose du village.

Désormais je sais que je vais finir car je n’ai pas le moindre bobo et cette perspective est très encourageante et permet de minimiser les 28km restants. 7 minutes d’arrêt et c’est reparti pour une nouvelle grosse montée, l’avant dernière du périple. Je fais toute la montée ainsi que la longue traversée après le passage des Tseppes en compagnie du suisse Florian Vieux et du russe Aleksei Tolstenko. C’est la première depuis le départ que je reste aussi longtemps en compagnie d’autres coureurs. Si on pouvait rester comme ça jusqu’au bout ça permettrait de passer le temps plus vite. La descente sur Vallorcine se fait groupé, au rythme des glissades maitrisées sur la boue mais j’ai un bon coup de lassitude en arrivant sur les pistes larges menant au ravitaillement et sans trop savoir pourquoi je laisse partir mes compagnons.

J’arrive seul à Vallorcine où mon groupe de supporters s’est encore étoffé avec l’arrivée d’un couple d’amis de la famille. On sait tous que c’est gagné désormais et je m’arrête environ 8 minutes le temps de refaire le plein et d’essayer de manger mais sans trop de succès. Ca fait 24h que je cours et la possibilité de finir en 27h est possible ce qui serait une belle performance. J’installe la frontale sur ma tête car d’ici peu la nuit va tomber et repars sous les encouragements en direction du col des Montets. Plus envie de courir même sur le plat et c’est en marchant que j’arrive au col encouragé par tous mes supporters.

Passé le sommet nous ne montons pas en direction de la très raide Tête aux Vents mais basculons direction Tré le Champ pour remonter directement à la Flégère. Je me dis que c’est beaucoup plus facile et que ça va permettre de finir plus vite. Je relance en courant jusqu’au pied de la montée où je reprends mon allure de randonneur !

Elle est raide cette montée aussi et je n’ai plus beaucoup d’énergie. La nuit fait son apparition et dans le noir complet de la forêt je n’arrive pas à distinguer le sommet. En fait même si je connais ce secteur pour y avoir couru lors des rassemblements avec le Team Trace de Trail je suis surpris de voir qu’après avoir grimpé un moment nous voilà à redescendre alors que nous avons même pas atteint la Flégère. Je me fais doubler par moment sans pouvoir m’accrocher et faut dire que je ne suis pas très à l’aise sur cette descente technique rendue dangereuse par la pluie. Et puis avec le faisceau de la frontale qui éclaire les arbres de la forêt j’ai l’impression par moment d’apercevoir des ours et d’autres créatures un peu flippantes !!

Ça remonte à nouveau et je me traîne jusqu’à atteindre une large piste où je peux enfin distinguer les lumières du ravitaillement à travers le brouillard juste au-dessus. Je perds encore quelques places, certains étant beaucoup plus frais que moi en cette fin de course. Mais pas grave, d’ailleurs j’ignore totalement la place à laquelle je suis et je m’en fiche complètement. Sous la tente je remplis une bouteille avec du coca et m’élance dans l’ultime descente. Je croyais que d’ici il restait 6km mais en fait c’est 8km que l’on m’annonce et bizarrement je trouve cette distance beaucoup plus longue !! Plus de 27h que je cours, j’ai mis beaucoup de temps pour grimper jusqu’ici … Et je vais mettre aussi pas mal de temps pour descendre. Je trottine lentement et perds encore quelques places (finalement qu’une vingtaine depuis Vallorcine alors que j’avais l’impression de beaucoup plus) et les lumières de la vallée tout en bas ne se rapprochent pas très vite. Lassé, je marche même par endroit sur quelques dizaines de mètres. Mais tant que je ne m’arrête pas l’arrivée se rapproche !!

Et enfin le goudron synonyme d’arrivée à Chamonix. Je retrouve des ressources pour courir sur les 2 petits kilomètres menant à l’arrivée. Le pied de pouvoir trottiner sans blessure et d’enfin terminer cet UTMB qui se refusait à moi. Il y a du monde pour accueillir les finishers, à 23h c’est l’heure à laquelle on sort du resto et les bistrots sont encore bien pleins. Les spectateurs tapent sur les panneaux le long des barrières et avec la musique et le speaker qui s’agite l’ambiance est plutôt incroyable après plus de 28h à gambader dans la montagne. Je prends ma petite Marianne dans mes bras et termine en marchant jusqu’à l’arche d’arrivée.

Il m’aura fallu 28h20′ pour venir à bout de cet UTMB à la 91ème place (19ème français) et pouvoir enfin enfiler la fameuse veste finisher 🙂 !

Un grand merci à Olivier pour l’assistance et les précieux conseils, à la famille et aux copains présents durant ces longues heures et aux différents partenaires du Team Trace de Trail pour leurs produits et matos de qualité (Compressport, Suunto, Isostar et Craft).

Place à un peu de repos avant de repartir pour de nouveaux objectifs. Avoir bouclé un 100 miles me donnent envie de tenter à nouveau l’aventure même si je me suis dit sur la fin que c’était quand même une épreuve de débiles mentaux 🙂 . Mais il y a tellement de chose à améliorer pour mieux figurer …

Aventures à suivre …