179023-utmb_2016Vendredi 26 août 16h25. Mon réveil sonne depuis 25 minutes mais je dors d’un sommeil si profond que je ne l’entends pas. Murielle vient me sortir délicatement des bras de Morphée après une bonne sieste. Une douche pour finir de me réveiller, une petite collation et l’enfilage de la tenue Craft, des chaussures Hoka Speedgoat et du sac à dos Compressport ULTRUN 140G prêt depuis plusieurs jours et me voilà prêt à prendre le départ de l’Ultra Trail du Mont Blanc.

C’est ma seconde fois ici alors je ne suis pas surpris par la foule bien plus nombreuse que sur certaines épreuves des JO à Rio. Je rejoins la ligne de départ à 17h40 car j’ai le droit à ma petite place dans le sas Elite et me retrouve donc au milieu d’un nombre incroyable de cadors de la discipline. Nous sommes bien serrés, tout le monde veut être devant comme si nous partions pour un simple 10km. Pour rappel ce qui nous attend ce sont 170km et 10000m de dénivelé positif, 21h pour les premiers et 47h pour les derniers !

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Les minutes défilent vite, le briefing est fait en au moins 4 ou 5 langues et à 18h les près de 2300 grands malades sont lâchés dans Chamonix. L’ambiance est énorme, des gens de part et d’autre de la chaussée et des encouragements sans discontinuité digne du Tour de France ! En 2014 j’avais halluciné mais cette fois je ne me laisse pas (trop) griser et suis à une allure qui doit me permettre de courir de très longues heures. Ma respiration est aisée et mes jambes légères. Tout va bien. Sauf peut-être que je suis déjà dans les 25 premiers et que je cours à côté des espagnols Miguel Heras et Javier Dominguez, juste derrière un groupe d’une vingtaine de gars dont l’ami Alex Mayer que j’ai eu à peine le temps de saluer ! J’assiste de près à la terrible chute de Tofol Castaner qui repart en boitant et hyper furieux tandis que Fred Desplanches que je retrouve avec plaisir essaie de le calmer.

Comme prévu il fait hyper chaud et je bois très régulièrement si bien qu’en arrivant aux Houches après tout juste 8km et 35′ de course j’ai déjà bu presque 500ml. Je remplis mes bouteilles au ravitaillement et m’arrose la tête avec 2-3 verres d’eau. Mon assistance (Murielle, ma maman et son compagnon André) n’est pas là ce qui m’inquiète un peu mais un rapide coup de fil me rassure, ils sont allés se poster un peu plus loin au pied de la montée du col de Voza.

Dès les premières pentes je passe en mode marche. Je suis doublé régulièrement et pas par des peintres ! Tom Lorblanchet, Andy Symonds, Gediminas Grinius, David Laney et j’en passe … Cette ascension est assez longue et très irrégulière, avec une alternance de forts pourcentages et de passages plus roulants. Je suis dans un bon rythme, sans avoir l’impression de piocher même si je transpire beaucoup et que je perds une vingtaine de places entre le pied et le sommet du col.

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Je relance sur le replat du Delevret avant de plonger dans la descente sur Saint-Gervais. J’essaie de faire de petits pas pour ne pas m’exploser trop rapidement les cuisses et bizarrement les sensations sont moyennes. Je n’arrive pas à être relâché. Je me dis que c’est la première descente et que je dois prendre mes marques. Point positif le genou sur lequel je suis tombé il y a quinze jours ne me fait plus mal.

Ambiance survoltée à Saint-Gervais, je remplis mes 2 bouteilles et chope quelques bouts de bananes. J’essaie au maximum de taper dans les mains tendues par les gamins, ça a l’air de leur faire plaisir ! Les 10km menant aux Contamines ne sont pas évidents à négocier. C’est très vallonné et j’alterne la course sur le plat et les descentes et la marche dès que ça regrimpe. Je suis en compagnie de Bertrand Collomb-Patton du Team Hoka qui a déjà terminé dans le top 10. Il n’a pas l’air super et souffre de crampes mais son allure me convient bien malgré mes sensations qui ne sont pas terribles… Difficile à décrire mais je ne me sens pas en forme comme j’ai pu l’être sur mes dernières courses. Je me répète en boucle que ça va venir, que la route est longue et je reste concentré sur l’alimentation avec alternance de patate/purée de sésame, sandwich chèvre/miel, abricots secs et barres Isostar High Energy. Je bois aussi tout aussi régulièrement.

La nuit tombe un peu avant l’arrivée sur les Contamines et j’allume ma frontale Ferei HL40 pour y voir clair. Au ravitaillement j’ai un peu de mal à retrouver Murielle, il y a beaucoup de monde et nous n’avons pas l’habitude d’une telle densité. Tout est prêt pour faire le plein et je ne m’arrête que 2 ou 3 minutes à tout casser. Caroline Chaverot la grande favorite repart quelques secondes devant moi et je profite du plat menant à Notre Dame de la Gorge pour la rattraper et la doubler. Dans les premières centaines de mètres du col du Bonhomme c’est encore une fois une ambiance de folie avec des encouragements nourris, des feux de camps et même de la musique sortie de nulle part !

Mais rapidement le silence se fait tandis que nous prenons de l’altitude. Benjamin David qui a remporté l’Echappée Belle 2015 me rejoint mais je ne peux prendre sa foulée. Je ne pourrai pas non plus accrocher juste après celle de Caroline ou un peu plus haut celle de Bertrand Collomb-Patton, de Thomas Pigois et d’autres coureurs qui me doublent … J’ai l’impression de manquer un peu de force mais l’important est d’avancer, même lentement.

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La section entre le col et le refuge du Bonhomme, plutôt technique ne m’est pas très favorable et je commence à cogiter un peu sur le pourquoi de ses sensations. J’ai l’impression de ne plus savoir courir souplement entre les rochers … Les nanas Andrea Huser et Uxue Fraile Azpeitia lancées à la poursuite de Caroline me doublent sans que je puisse réagir … Si seulement la descente sur les Chapieux pouvait me requinquer un peu. Mais non, rien à faire, je suis crispé et impossible de me lâcher avec des sortes de points dans le bas-ventre. Je me fais doubler sans réaction possible. Mes pieds se posent n’importe où et ce n’est pourtant pas la faute de ma frontale qui m’éclaire parfaitement. Encore une fois je me répète qu’il faut avancer même doucement. Mais côté plaisir c’est pas trop ça et quelques arrêts pipi ne me rassurent pas avec une urine très très marron …

Aux Chapieux, je prends un peu le temps et discute quelques minutes avec les bénévoles en buvant un thé au citron. Je repars après un bref contrôle de quelques éléments du matos obligatoire (casquette, téléphone et veste) avec 2 bouteilles d’eau soit 1L et 500ml de Coca car je crains le coup de barre au milieu de la nuit.

La longue portion de route menant au pied du col de la Seigne me redonne un peu d’espoir. J’arrive à trottiner sans problème même dans la pente et je commence à pouvoir accrocher ceux qui me doublent. Je suis alors au côté de l’américaine Magdalena Boulet lorsque nous attaquons véritablement le col. Je retrouve un peu le sourire dans cette ascension pas trop raide et bien propre sous un magnifique ciel constellé d’étoiles. Mais la très courte descente derrière le col me sort de ce bon moment et vient me rappeler que je ne sais plus mettre un pied devant l’autre en descente… La nouvelle section ajoutée depuis l’an dernier et nous faisant passer par les Pyramides de Calcaire n’est vraiment pas facile. Aucune trace au sol, d’abord un pré à vaches humide et plein de trous puis des champs de rochers instables. Le balisage phosphorescent nous indique la direction à suivre mais pas le chemin ! Je ne dirai plus jamais que l’UTMB c’est du sentier propre et que c’est roulant !!

Les lumières du Refuge Elisabetta en contrebas nous indique que nous allons retrouver le sentier traditionnel et je ne suis pas mécontent d’y arriver sans casse. Encore un peu de descente et je retrouve le ravitaillement du Lac Combal et une bonne dizaine de coureurs en train de se restaurer. Je décide de ne pas m’arrêter, juste remplir en eau et coca et repartir pour la courte section plate menant au pied de l’arête du Mont Favre. J’arrive à courir tout le long et prend très vite un rythme d’ascension correcte pour moi même si je vois revenir encore quelques gars de l’arrière. Je n’ai pas l’impression de m’ennuyer et suis surpris de déjà arriver au sommet.

Mais là c’est le drame. Impossible de relancer dans la descente et le plat qui suivent. Je suis « bloqué » ! Difficile à décrire comme sensations, sorte de points dans le bas ventre. Physiquement et mentalement c’est dur. Je pisse quelques gouttes hyper foncé. J’ai vécu ça l’an dernier sur la Traversée de l’Echappée Belle mais il ne restait qu’une grosse vingtaine de kilomètres et je « jouais » le podium. Là il est 4h du matin, il reste 100km pour rejoindre Chamonix et je me fais doubler régulièrement … J’essaie de relancer encore une fois la machine lorsque Juliette (Blanchet) me rattrape mais ça ne veut pas et je la laisse filer. Je marche jusqu’au Col Chécrouit, croisant régulièrement des participants à la PTL partis lundi pour près de 300km. Surréaliste d’être applaudi par ces gens là. Si seulement j’avais leur mental …

Au col je me pose 5 minutes, bois à nouveau un thé puis enfile ma veste car j’ai un peu froid et il y a un peu de brouillard. Il ne reste que 4 kms pour rejoindre Courmayeur. Ma décision est prise j’arrête là-bas le voyage car il n’y a plus de plaisir et je suis loin de l’objectif (sans doute trop gros) espéré. Je rejoins la base vie après un peu plus d’une heure de descente tandis que le jour se lève.

Je ne reste pas longtemps à Courmayeur car nous avions convenu avec l’assistance qu’elle me retrouverait plus loin après avoir passé une nuit à dormir. Un bus me ramène à Chamonix où je retrouve la famille qui vient de se lever et s’apprête à partir pour la Fouly où elle devait me retrouver pour m’assister pendant les 60 derniers kilomètres. Ce ne sera pas pour cette fois et le reste du week-end se fera en mode spectateur …

Mes temps de passage

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Dommage d’avoir raté une seconde fois mon UTMB, la forme était là et le beau temps aussi. Mais un mental défaillant et quelques erreurs n’ont pas pardonné.

3 explications à mon abandon :

Le mental : plutôt habitué à courir des distances entre 80 et 110km je connais bien ma vitesse et l’allure à employer pour rester dans ma zone de confort et je n’ai pour le moment pas connu beaucoup de gros coup dur sur ce genre de format de 11h maximum et connu de belles réussites avec des podiums à la clé. Mais les fois où j’ai couru plus de 12h il y a eu effectivement des coups de mou. Comme lors de la TDS 2011 où j’étais en lice pour le top 10 et l’Echappée Belle 2015 où je jouais le podium ou encore la TDS 2012 et l’UTMB 2014 où les 2 fois j’étais loin des objectifs fixés au départ. Bref j’ai un travail mental à faire pour ne pas couler à la moindre tempête et résister aux vents contraires !

Un départ trop rapide : en seconde ligne aux côtés du gratin international je n’étais pas à ma place. Mais à la limite ce n’est pas trop grave et ça aurait pu faire de belles photos ! Mais courir pendant 8km avec ses coureurs n’était pas bien malin. Alors oui je me sentais bien mais ce n’était pas la vitesse adaptée pour faire 170km en montagne. Ensuite je n’ai logiquement que fait de perdre des places et mentalement ce n’est pas très bon. La prochaine fois il faudra se placer à l’arrière dans le sas Elite et partir en mode footing !

Une mauvaise hydratation : j’ai eu l’impression de boire régulièrement mais en fait non. En début de course j’y pensais bien et je buvais souvent. Boisson Isostar Hign Energy très peu dosée, verres d’eau aux ravitaillements, St Yorre aux Contamines. Mais les heures passantes j’ai perdu il me semble la notion du temps et je n’ai bu que 1,4L pendant les 3 heures menant aux Chapieux. Il faisait nuit et la chaleur était moins élevée qu’en début de course mais il faisait tout de même chaud. Il y avait pourtant de quoi remplir les bouteilles à la Balme et boire de la soupe salée mais j’ai préféré ne pas m’arrêter pour gagner du temps ! Ensuite me sentant un peu fatigué j’ai opté pour emporter du coca dans ma bouteille de 500ml en plus des 2 fois 500ml en eau. Mais pas sûr que le coca soit bien hydratant ! Résultat une baisse de forme et des courbatures trop rapidement et des difficultés à courir en descente avec des points dans le bas du ventre.

Pour le reste j’étais plutôt en forme au départ, peut-être un peu trop confiant après 2 saisons plutôt réussies. Mais malgré des courbatures présentes 5 jours après la course, l’envie d’y retourner est déjà présente. Je dois encore apprendre et modifier certaines choses pour être performant sur ce format ultra-trail mais le challenge me plait.

Alors rendez-vous en 2017 pour boucler la boucle !