Je n’ai pas pu faire le tour du lac d’Annecy cette année pour cause de grosse fatigue alors je vais me rattraper sur celui du lac du Bourget, plus grand lac naturel de France. Quand Cécile me propose un dossard pour ce nouveau trail dont Trace de Trail est partenaire (qui remplace la Grande Course du Lac plutôt typé route) je me dis que c’est l’occasion de rebondir après mon abandon sur l’UTBM. La distance et le profil (72km et 3200m+ qui vont devenir 77km et 3500m+ à quelques jours du départ) me conviennent bien.

La préparation se déroule sans encombre même si je dois faire avec une petite tendinite au genou droit. Le plateau n’est pas très relevé et au vu des sensations quelques jours avant l’épreuve je sens que j’ai une bonne carte à jouer. Excité par cette nouvelle aventure je ne dors quasiment pas la nuit précédente et je suis content d’entendre le réveil à 3h45 du matin ! Habillage express, un bol de café et crème déjeuner maison et direction le Bourget du Lac pour le départ.

prêt !

Bourget du Lac – Brison Saint Innocent

Le départ est donné à 5h sous un beau ciel étoilé. La présence de relais provoque un départ assez rapide, on joue un peu des coudes pour bien se placer avant d’attaquer un single étroit et un coureur part même à terre sur une petite passerelle quelque peu glissante! Au bout de quelques centaines de mètres nous voilà déjà à la queuleuleu, virevoltant à travers les arbres d’un petit sous-bois. Très vite nous retrouvons l’asphalte sur la piste cyclable entre lac et aéroport du Bourget. Un petit groupe de 5 ou 6 concurrents a pris un peu d’avance et je suis pas trop loin derrière. Un œil à la Suunto Ambit pour constater que je suis à la bonne vitesse, autour de 4 minutes au kilomètre. Mes derniers entraînements m’ont rassuré sur ma capacité à tenir longtemps à cette cadence.

Les kilomètres défilent vite, il y a quelques personnes pour nous encourager malgré l’heure matinale. Mais déjà je sens qu’il fait lourd et je ne regrette pas mon choix vestimentaire minimaliste. Sans forcer je reviens sur quelques mecs qui ont  »sauté » du groupe de tête. Je suis accompagné par un jeune coureur que je ne connais pas et qui est lui aussi engagé sur le parcours de 77km (Ugo Ferrari récent 17ème et 1er espoir du championnat de France de trail long). On discute un peu et il me demande à plusieurs reprises si on n’est pas parti un peu vite … En ce qui me concerne je sens que les jambes répondent bien et que pour le moment tout va bien !

On délaisse le bord du lac après la traversée du port de plaisance d’Aix les Bains et rentrons dans les terres le long d’un ruisseau. C’est toujours plat, je mène le groupe mais rapidement nous arrivons à la première côte. Elle est faite de grosses marches d’escaliers sur lesquelles je trottine. Ugo est à mes côtés et ne semble pas vouloir aller plus vite. Un peu plus haut cela devient moins raide et nous continuons à courir doucement au cœur de la sombre forêt de Corsuet. Ma frontale Ferei HL40 nous éclaire bien même à demi-puissance et c’est tant mieux car la lampe d’Ugo est un peu faiblarde.

Après une courte descente nous rejoignons le ravitaillement liquide de Brison Saint Innocent où m’attend mon assistance. Mais même si j’ai déjà bien bu et commencé à grignoter une barre Isostar Long Distance Energy je sais que je peux tenir jusqu’au prochain ravitaillement et je ne m’arrête pas.

ravito Brison express

Brison Saint Innocent – Belvédère de la Chambotte

Nous attaquons de suite une côte assez raide où il faut parfois mettre les mains et contre toute attente Ugo passe devant et montre une aisance déconcertante à crapahuter sur les rochers. Je ne m’attendais pas à ce coup d’accélérateur et suis cloué sur place. Je reste concentré en me disant que la course est longue et qu’il ne faut surtout pas me griller maintenant. Au niveau de la Grotte des Fées après plus de 300m de dénivelé positif la pente s’adoucit puis devient rapidement descendante. Fini de pousser les cuisses avec les mains, je peux à nouveau courir et reprendre de la vitesse. Mon éclairage est toujours excellent, je n’ai pas l’impression d’être de nuit et la descente pourtant caillouteuse se négocie sans problème. Quelques relayeurs qui en ont bientôt terminé me doublent mais je distingue pas très loin devant la silhouette de Ugo et je ne tarde pas à le rattraper. A priori il grimpe terriblement bien mais la descente est moins son truc. Je passe devant et quelques secondes après je l’entends jurer et comprends que sa frontale ne fonctionne plus !

Au niveau des Granges de Brison une nouvelle côte d’environ 300m+ se présente. Mais cette fois la donne a changé et Ugo n’a pas d’autres choix que de rester avec moi puisque j’ai la lumière !! Une aubaine pour moi qui peux ainsi faire le rythme jusqu’au sommet, en alternant course et marche sur les pourcentages plus raides. Nous arrivons au Belvédère de la Chambotte après 22km et un peu moins de 2 heures de course. Le ravitaillement se trouve en pleine forêt et l’on y accède par un petit single en aller-retour. Cette fois je change mes 2 flasques vides par des pleines (une d’eau et la seconde de boisson Isostar Long Distance Energy Orange) que m’a préparé Murielle, j’attrape 3 rondelles de banane et repars aussitôt !

Belvédère de la Chambotte – Port de Châtillon

Une descente sur route permet de dérouler un peu jusqu’au col de la Chambotte. Je suis en compagnie de 2 coureurs en relais et toujours de Ugo. Il reste encore une belle ascension de 300m+ à travers les Teppes à Monard pour rejoindre le sommet de Cessens. Le jour se lève et une magnifique vue sur les sommets environnants s’offrent à nous sur notre droite et parfois sur la gauche, alors que nous crapahutons à flanc de falaise nous pouvons contempler la pointe nord du lac du Bourget.

Bien que la lumière soit revenue, je suis content de constater qu’Ugo est moins incisif que tout à l’heure et c’est moi qui mène le groupe. Je suis surpris par la technicité des chemins et certains passages me rappellent les Causses. Finalement on est tout aussi bien ici que sur la Grande Course des Templiers qui aura lieu la semaine prochaine sur une distance équivalente … Il faut être vigilant et malgré ma prudence je me retrouve sur les fesses dans une descente bien pentue. Simple avertissement.

Nous arrivons au point le plus haut (944m) de la première moitié de course et nous nous engageons dans la descente vers Châtillon. Un relayeur embraye un peu et vu que je me sens bien je lui emboîte le pas. La pente est raide et il faut éviter de trop regarder le panorama sur le lac sous peine de partir à la faute. Nous descendons assez vite, je sens mes cuisses solides et mon genou reste  »muet ». Je ne sens plus Ugo dans mes talons et effectivement à la faveur d’une longue ligne droite je constate qu’il n’a pas pu suivre. En bas je lâche mon compagnon de descente à la faveur d’un faux plat montant puis avale les 2 kilomètres menant au port de Châtillon à 14km/h.

gtl 2014 yann nourry I

J’y retrouve ma maman aux photos et encouragements et Murielle qui me ravitaille. Là encore il faut faire un aller-retour pour rejoindre les tables de ravitaillement et se faire pointer. Le concept est sympa car il permet de se croiser et se faire coucou ! Je change à nouveau les flasques et prends une fois de plus 2 ou 3 bouts de banane. Ce petit port a l’air bien chouette mais pas le temps de flâner. Je repars assez vite et ne croise pas Ugo ce qui signifie au minimum 2 minutes d’avance. Pas beaucoup alors qu’il reste encore 44km et pas mal de difficultés …

Port de Châtillon – Chanaz

Je dois profiter des quelques kilomètres roulants qui arrivent pour creuser un peu l’écart. Nous avons radicalement changé de paysage. C’est beaucoup plus campagne que montagne et au niveau de Portout nous longeons le canal de Savières qui relie le lac du Bourget au Rhône. A ma gauche de hauts maïs et à ma droite la rivière. Il fait moins chaud que prévu et le léger brouillard régnant par ici n’est pas désagréable.

Il reste une côte à franchir avant de retrouver Chanaz. Elle débute sur une petite route en lacets menant au hameau de Flandre avant de se transformer en sentier puis en passage hors-piste assez pentu. Je suis surpris par la difficulté car au vu du paysage je ne m’attendais pas à si raide. Une légère crampe à l’adducteur se déclenche me rappelant qu’il ne faut cesser de m’hydrater. Plus haut je retrouve une piste au milieu de la forêt, croise des chasseurs sans fusil (???) et quelques ramasseurs de châtaignes. Je cours à bonne vitesse, arrive à un carrefour, le balisage m’indique d’aller sur la droite. Je m’engage sans hésiter mais au bout de quelques centaines de mètres je constate que le balisage, pourtant irréprochable jusqu’à présent est inexistant … Un œil à ma montre Suunto Ambit 2 dans laquelle j’ai rentré la trace officielle du parcours me confirme que je suis sur le bon parcours. Ouf !!

La descente sur Chanaz est toute aussi étonnante que la montée précédente. Hyper raide, sur des rochers glissants. Je dois m’asseoir pour descendre et heureusement une grosse chaîne métallique permet de s’assurer. Par contre pas de bénévole pour prévenir du danger et en cas de pépin …

Je rejoins finalement sans encombre l’entrée de Chanaz où se trouve le ravitaillement. Une nouvelle fois il s’agit d’un aller-retour pour le rejoindre mais cette fois sur un bon kilomètre. Idéal pour faire un pointage sur mes poursuivants. On descend jusqu’au port et il faudra donc remonter d’ici quelques minutes. Il y a pas mal d’effervescence ici car dans 1 heure aura lieu le départ du 34km. Je retrouve ma mère et Murielle et tout est prêt sur une chaise : flasques pleines, barres, gels et bouteille de 50cl de St Yorre. J’en bois une bonne partie, remplace les flasques et échange mon pochon vide de gel Actifood fruits exotiques par un plein. Encore une fois l’opération ne me prend que quelques secondes et c’est revigoré que je repars à l’assaut des 34kms restants.

ravito Chanaz

Chanaz – Belvédère de Ontex

Je refais donc en sens inverse le parcours sur un bon kilomètre et croise enfin Ugo qui a l’air pas trop mal. On s’encourage et un œil à mon chrono pour constater que j’ai 9 minutes d’avance. C’est bien mieux que les 2 minutes à Châtillon mais avec ce qu’il nous reste à courir c’est loin d’être suffisant. Une chose est donc sûr, il ne va pas falloir mollir !! Je croise un peu plus loin un autre coureur solo du 72km qui est à environ 15 minutes.

A la sortie de Chanaz ça continue de grimper ce qui nous sort du brouillard. J’alterne bien souvent marche rapide et course suivant le dénivelé. Je suis encouragé par mon assistance qui m’a rejoint par la route menant à Ontex où je dois les retrouver plus tard.

Le parcours s’éloigne du lac du Bourget et nous évoluons désormais dans la forêt du Mont Landard. C’est très vallonné pendant près de 12km. La température a bien augmenté mais nous sommes bien souvent à l’abri sous les arbres et c’est très supportable. Je croise un groupe de coureurs en sens inverse, l’un d’eux m’interpelle et me demande si je suis passé à Chanaz et je comprends alors qu’ils se sont a priori perdus et font fausse route. Parmi eux Laurent Heurtefeu qui avait fait un bout de chemin avec moi lors du Trail des 3 Châteaux en mars. Dommage mais je n’y peux rien et continue mon petit bonhomme de chemin.

ontex

Je suis doublé par le rapide Nabil Bouchelaghem qui est en équipe de 4. Il m’encourage, je fais quelques centaines de mètres avec lui avant de le laisser filer. Je retrouve régulièrement des relayeurs, soit qui me reviennent dessus soit que moi même je rattrape si bien que je ne cours jamais véritablement seul. Les kilomètres défilent ainsi plus vite et sans m’en apercevoir vraiment je me rapproche assez vite de Ontex. Du village une descente bien caillouteuse permet de rejoindre un belvédère surplombant le lac et l’Abbaye de Hautecombe. Mon genou commence à tirer un peu mais rien de trop inquiétant pour le moment … Je retrouve Murielle et ma mère au ravitaillement après 56km et 5h40 de course. Une petite gorgée de St Yorre et classique échange de flasques. J’avale aussi un shot Energy (6cl de liquide riche en caféine) pour me permettre de tenir sur les 20 derniers kilomètres.

abbaye de Haute Combe

Belvédère de Ontex – Col du Chat

Il n’y a que 7,5km pour rejoindre le col du Chat et si je veux encore courir c’est le moment car après ça va être autre chose ! C’est d’abord très raide pour grimper sur un autre belvédère un peu plus haut puis le sentier est beaucoup plus roulant et me permet de dérouler un peu. Il y a pas mal de sentiers de randonnée et régulièrement des panneaux m’indiquent la direction et le temps de marche (que je peux diviser au moins par 4) vers le col du Chat (638m). Les minutes passent très vite, je me sens encore bien et arrive au col assez rapidement.

col du Chat

Il ne reste que 15km mais une grosse bosse de 800m+ et une descente de 1200m- avant l’arrivée. Il faut donc faire le plein. Scenario habituel du ravito, je prends aussi avec moi un Shot Energy en prévision de la dernière heure de course. Petit bisou à ma chérie que je ne reverrai qu’au Bourget du Lac. Elle me dit au passage qu’elle a entendu la maman d’Ugo lui annoncer 14′ de retard sur moi. Je creuse donc a priori le trou mais rien n’est fait et il faut continuer à avancer le plus vite possible !

Col du Chat – Relais de l’Aigle

Je repars en courant au milieu de nombreux marcheurs mais très vite je bute sur de forts pourcentages. C’est parti pour l’ascension de la Dent du Chat, à peine 4km mais plus de 800m de dénivelé positif. Il me faut près d’1h10 pour atteindre le sommet, autant dire que ça ne me décoiffe pas ! Pour autant je sens que j’avance bien, je me sens bien mieux que sur les ascensions de l’UTMB et double sans cesse des groupes de randonneurs. La montée se fait d’abord en sous-bois, sur une trace serpentant au milieu de feuilles mortes. En levant la tête bien haut j’aperçois la vertigineuse paroi de la Dent. Quelques courtes descentes permettent de relancer un peu et les sous bois laissent bientôt place à des passages plus engagés, notamment une partie câblée le long d’une falaise. 2 coureurs reviennent sur moi dont Christophe Abry en tête du 34km. J’avais pourtant 1h d’avance à Chanaz ! Ils sont évidemment beaucoup plus frais et je les laisse s’envoler. Une fois sur la crête il faut encore grimper un peu jusqu’au Mollard Noir, point culminant l’épreuve (1452m) avant une descente de 1,5km jusqu’au relais du Chat où se tient l’ultime ravitaillement. Pas d’assistance cette fois, je remplis moi même une flasque avec un peu de Coca-Cola et prends une poignée de cacahuètes. Même si je ne m’y attarde pas trop j’ai le temps de contempler le magnifique panorama sur le Mont Blanc et la chaîne des Alpes. C’est sûr il faudra revenir en mode randonnée !

Mais aujourd’hui je ne suis pas venu acheter du terrain et je repars très vite à l’assaut des derniers kilomètres : 9kms et un peu plus de 1200m de dénivelé négatif. Encore un gros kilomètre de plat sur la crête avant de s’élancer dans la descente. Je la connais puisqu’en 2008 j’avais couru le Trail de la Dent du Chat pour ma première expérience en montagne. Pas très bon souvenir car un gros orage et une pluie diluvienne coulant sur mes lunettes de vue m’avais fait perdre de nombreuses places. Pas de risque aujourd’hui avec ce beau ciel bleu et mes lentilles !

Je fais une bonne descente malgré un genou de plus en plus sensible. 2 ou 3 coureurs de relais me doublent encore mais c’est bien moi qui vais remporter la première édition du Grand Trail du Lac.

Toujours pas de lassitude, si je devais faire encore quelques dizaines de kilomètres je pense que je pourrais les faire sans problème. Mais je suis quand même heureux de traverser le Bourget du Lac annonçant l’arrivée imminente. Je retrouve la piste cyclable un peu plus loin et enfin l’aire d’arrivée que je franchis en vainqueur en 8h51’32 » après 78km et 3700m+/-.

article DL

Je retrouve ma chérie et ma maman avec qui je peux savourer ce moment. Finalement Ugo en termine plus de 26′ après. Je le félicite et suis sûr que du haut de ses 22 ans un bel avenir lui est promis. Quelques minutes après c’est l’ultra fondeur Olivier Muller qui complète le podium.

podium

Bien content de cette belle journée qui se termine avec un couscous sur la pelouse en attendant la remise des prix.

Bon faut quand même relativiser la performance, si c’était la grande course des Templiers je suis pas sûr que je serais dans les 50 premiers ! Mais l’important c’est le plaisir et j’en ai pris durant presque 9 heures.

RESULTAT