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Vendredi 23 Octobre 4h du matin à Millau. Je suis au départ de l’Endurance Trail des Templiers. Cette épreuve j’y songe depuis un moment et ne pense qu’à elle depuis près de 6 mois. J’ai tout fait pour y arriver au top et c’est en pleine forme que j’aborde les 100km et 4600m+ à travers les Causses. Le plateau est relevé avec entre autre l’armada Hoka constituée d’Aurélien Collet, Matthieu Brignon, Yannick Pierrat ou l’ancien vainqueur Emmanuel Ripoche mais aussi Julien Jorro. (malheureusement pas de Fred Desplanches qui malade a dû renoncer tout comme mon pote Stef Vinot). Je vise raisonnablement une place dans les 10 premiers même si je rêve secrètement d’accrocher le top 5.

Le mythique Ameno d’Era retentit et à 4h15 le départ est donné à la lumière rouge des feux de bengale.

départ feu bengale

Les premiers kilomètres sur route plate permettent d’échauffer un peu les muscles, entre 14 et 15km/h quand même. C’est silence radio en tête, tout le monde semble bien concentré avant d’attaquer les premiers sentiers et la fameuse bosse de Carbassas. Les favoris se détachent tranquillement tandis que je gère mon allure en marchant d’un bon pas et en buvant régulièrement car la température est déjà douce. Une dizaine de coureurs me devance mais à la faveur d’une partie roulante puis d’une descente où je n’ai pas l’impression de trop forcer je recolle sur un petit groupe dans lequel je retrouve entre autre mon copain Alex Laville et Yannick Pierrat. Nous traversons puis longeons le Tarn sur un bon rythme et rejoignons Aguessac où malgré l’heure matinale il y a foule pour nous encourager. Nous grimpons jusqu’au village perché de Compeyre illuminé au milieu de la nuit et je suis un peu surpris par le rythme de certains qui courent et relancent comme si l’arrivée était proche … Je laisse faire en montant à ma main, sans hésiter à marcher par endroit. Je suis derrière Yannick qui à mon grand étonnement me demande si je veux passer car lui trouve que ça va trop vite ! Une partie plutôt roulante nous emmène à Rivière sur Tarn lieu du 1er ravitaillement (18km 1h35). J’en profite pour échanger un peu avec Alex et juste avant le ravito Julien Jorro nous double. Il s’est égaré et a perdu quelques minutes. C’est donc au sein d’un groupe de 7 en 4ème position que nous rentrons dans le village. Murielle a tout préparé sur une table mais je n’ai besoin que de changer mes bouteilles et ne m’arrête qu’une poignée de secondes.

de nuit

Le groupe se reforme à la sortie de Rivière sur Tarn. C’est encore assez roulant et nous approchons à grands pas du château de Peyrelade que nous apercevons depuis quelques kilomètres, joliment éclairé au beau milieu de la nuit. Je me sens vraiment bien et sens que la journée va être belle … Une descente sur route que nous négocions à 16km/h nous amène à Boyne où nous attaquons aussitôt la grimpette vers l’Oppidum. Le groupe a réduit un peu et c’est dans le sillage d’Alex, Julien, Pascal Leray et Damien Douvry que je négocie cette montée courte mais bien raide. Le rythme imposé par Alex est costaud mais me va bien et nous nous élevons rapidement au-dessus des Gorges du Tarn. Au sommet ça relance fort et je reste en embuscade à l’arrière. Douvry vraiment à l’aise quand la pente s’accentue profite d’une petite côte pour prendre la poudre d’escampette. Je laisse faire mais prends la tête du groupe et sans trop le chercher me détache à la faveur d’un faux plat montant. Mostuéjoul où se tient le 2ème ravitaillement est en vue et après une bonne descente je retrouve les belles ruelles tout en pierres du village puis un peu plus bas une foule nombreuse et mon assistance toujours prête (34,4km 3h15). J’échange les bouteilles, reprends une barre et bois quelques verres de St Yorre avant de repartir. Les autres sont juste derrière et je me dis que ça serait bien qu’ils reviennent afin de me sentir un peu moins seul durant les prochaines heures …

C’est de suite une bonne grimpée vers le Roc des Agudes. Le jour pointe son nez et le décor qui s’offre à moi est splendide. D’immenses rochers semblables à des statues de toutes formes se découvrent tandis que je m’élève d’un pas rapide le long d’une monotrace serpentant au milieu des cailloux. Mes compagnons de l’aube ne semble pas revenir et c’est bel et bien Yannick Pierrat que j’aperçois quelques lacets plus bas en train de recoller rapidement. Il reste quelques instants dans mon sillage, nous échangeons 2-3 mots puis je le laisse s’éloigner car il monte vraiment bien. Une partie roulante me permet de me rapprocher très près mais la longue descente qui suit me fait à nouveau perdre un peu de terrain. Je me sens toujours bien malgré un début de crampes à l’adducteur que je fais passer en insistant bien sur ma respiration. Je reste concentré car c’est par moment assez technique. Cette première descente de jour est magnifique, alternant passages raides et sentiers en balcon au dessus du Tarn. Par contre le ciel est un peu gris mais je ne désespère pas qu’il vire au bleu sous peu. J’arrive donc seul au Rozier où se trouve un nouveau ravitaillement (43,7km 4h22′).

le rozier

On m’annonce que je suis 4ème car Matthieu Brignon semble s’être perdu. Le petit Clément (fiston de Fred) du haut de ses 6 ans me dit qu’il pense que je suis en train de faire une belle course !! J’adore ! Je repars les bouteilles pleines et laisse mon assistance que je ne reverrai pas avant presque 2h30 de course.

Je cafouille un peu à la sortie du village en ne voyant pas de balisage mais très vite un œil sur la trace enregistrée dans ma montre Suunto Ambit me remet sur le bon chemin. Ça monte de suite bien raide sur une large route menant au Rocher de Capluc. Je marche et en profite pour manger la banane prise à la volée sur la table de ravitaillement. Je me retourne aussi 2-3 fois histoire de faire un pointage sur mes poursuivants mais je ne vois jamais personne derrière. Les kilomètres qui suivent sont un régal. Nous surplombons le Tarn du haut de la falaise et passons au milieu de rochers toujours aussi impressionnant et portant pour certains le nom de vase. Il faut rester vigilant car c’est parfois très raide et le sol est piégeux avec de nombreuses racines et grosses pierres. Depuis quelques kilomètres je commence à doubler des concurrents de l’Intégrale des Causses partis à 7h de Mostuéjoul. C’est sympa, on s’encourage mutuellement. Une belle descente technique me ramène dans les Gorges de la Jonte au petit village du Truel où se tient un ravitaillement en eau (52,3km 5h25). J’ai encore de quoi tenir un bout de chemin et ne m’arrête pas.

Je laisse le parcours de l’Intégrale des Causses s’élever sur la gauche et reste le long de la Jonte sur environ 2 km de monotrace où il faut parfois faire un peu l’équilibriste tant c’est sinueux et souvent en dévers. Puis débute une grimpette d’environ 400m de D+ sur le Causse Noir. J’ai toujours l’impression de bien avancer mais surprise j’entrevois 2 gars un peu plus bas en train de revenir à vitesse grand V. Ils ne tardent pas à me rattraper et je reconnais parmi eux Damien Douvry qui m’accompagnait en début de course. Lui et l’autre gars (Frédéric Jung) me passe et imprime un rythme vraiment costaud. Je ne prends pas le risque de suivre à tout prix et préfère marcher le plus souvent possible et relancer de temps en temps plutôt que de me fatiguer à courir partout. Douvry s’éloigne et je ne le vois bientôt plus mais je ne tarde pas à rejoindre Jung et à le laisser sur place à la faveur d’une partie roulante et sans grosses difficultés techniques.

templiers

Je double encore et toujours des participants de l’Intégrale des Causses dont Marc de l’équipe organisatrice du Beaujolais Villages Trail. On se tape dans la main au passage et se souhaitons bonne route. Je rejoins assez rapidement le village de St André de Vézine qui grouille de spectateurs et de coureurs (63,4km 6h44). Je retrouve Murielle et tout mon staff pour l’habituel changement de bouteilles et la prise d’une barre énergétique puis repars en compagnie de Douvry qui a pris un peu plus de temps que moi pour se restaurer.

On reste ensemble quelques kilomètres puis je me laisse distancer car il va un poil trop vite pour moi à ce moment là. La descente vers la Roque Sainte Marguerite est d’abord bien roulante en pente douce puis un peu plus technique et raide lorsque nous arrivons sur la corniche du Rajol. Bien qu’il reste encore plus de 30km je commence à entrevoir sereinement l’arrivée et ce top 5 qui serait génial. Les jambes vont encore bien et les prémices de crampes à l’adducteur droit que j’ai eu précédemment ont disparu. Je traverse les jolies ruelles empierrées de la Roque Ste Marguerite et double Séverine du Theizé Course Nature. C’est sympa de croiser les copains ! On passe sur le pont enjambant la rivière Dourbie et attaquons la côte menant à Pierrefiche du Larzac. Je la passe bien sur un rythme autour des 900m+/h et retrouve donc assez vite ma chérie et le reste de la troupe au ravitaillement de Pierrefiche (74km 7h57). Je prends soin de ne rien oublier car ils ne pourront plus m’assister jusqu’à l’arrivée. Je mets une barre ainsi qu’un gel Actifood dans mes poches et repars les bouteilles pleines. Je chope sur la table de ravitaillement une nouvelle banane que je dévore illico.

pierrefiche

Les 17kms menant à Massebiau sont vraiment casse-pattes. Les côtes ne sont pas très longues mais il faut sans cesse changer de rythme et relancer l’allure. Les gens que je double m’annoncent que je suis le 4ème mais j’ai du mal à le croire puisque je suis parti de Pierrefiche 5ème et que je n’ai doublé personne (j’apprendrai à l’arrivée que j’ai en fait doublé Douvry dans la salle où se trouvait le ravitaillement). On fera le point plus tard, pour le moment il faut rester concentré car certains passages sont délicats et ne demande qu’à vous mettre à terre ! D’un coup à la sortie d’un passage en forêt je découvre au loin le Viaduc de Millau. Ça commence vraiment à sentir l’arrivée mais je suis tellement bien et content de vivre une telle course que je n’ai pas envie que ça se termine trop vite. Je double l’ami Ricardo (qui m’annonce 4ème!) et arrive bientôt au pont de Massebiau. Il y a du monde de l’autre côté de la Dourbie et Jean Claude Banfi que je retrouve à chaque ravito depuis le départ me dit que devant ce n’est vraiment pas loin et qu’il y a un coup à jouer. Je rejoins le point d’eau installé au pied de la célèbre côte du Cade (91,1km 10h04). Je prends le temps de remplir une bouteille afin de boire et m’arroser jusqu’au sommet car il fait bien chaud. J’avale un Energy Shot Isostar pour me donner un bon coup de fouet puis attaque l’ascension et retrouve Murielle qui m’accompagne quelques mètres.

pied du cade

Elle me dit que le coureur qui me précède marche les mains sur les hanches et qu’il semble bien fatigué. Moi je suis déjà super content d’être 4ème et lui répond que je ne pense pas pouvoir le rattraper. Mais quelques centaines de mètres plus haut alors que le village de Massebiau se fait de plus en plus petit en dessous c’est bien Yannick Pierrat que je rejoins. Il est cuit, je lui demande si ça va en passant mais ne m’attarde quand même pas trop. Putain mon Yann, tu es à 9km de l’arrivée de l’Endurance Trail des Templiers et tu es sur le podium ! C’est ce que je me dis en moi même et je suis tellement boosté que finalement cette si difficile montée passe bien, entre 800 et 900m+/h. Je relance une fois au sommet et cours jusqu’à la ferme du Cade, dernier ravitaillement de l’épreuve (94,4km 10h42). J’y bois au passage 3 verres de coca car je commence à sentir un début d’hypo !

Il ne reste plus que 5km et je connais plus ou moins le final car j’ai couru en 2012 le Marathon des Causses. Il faut encore courir jusqu’au Pouncho d’Agast qui domine Millau avant de se lancer dans la descente vers l’arrivée. Un gel Actifood me permet de retrouver de la lucidité et je peux ainsi trottiner jusqu’à l’antenne relais et attaquer la descente. Je n’ai qu’un truc en tête, ne pas me faire une cheville et je suis hyper attentif à la pose des pieds. Je traverse la grotte du Hibou, encore un passage mythique du festival des Templiers.

grotteduhibou

Ça fait plus de 11h que je cours mais les cuisses sont encore solides et peu meurtries et je peux savourer sereinement … Voici le large chemin au milieu des champs, l’arrivée est toute proche. Dommage de ne pas pouvoir prolonger ce moment de plénitude… J’entends le speaker et arrive dans les derniers centaines de mètres de course. Encore quelques marches à descendre puis à monter, une formalité, et me voilà dans la ligne droite menant sous l’arche en bois.

arrivée

Je suis 3ème de l’Endurance Trail des Templiers !

podiumau côté d’Aurélien Collet et Arnaud Chartrain

Mon alimentation durant la course : 3 barres Isostar High Energy (chocolat, raisin&cranberry, Long Distance Energy Céréales et Fruits) 2 bananes, 2 dattes et 1 boule de pâte de datte, 1 gel Isostar Actifood, 1 Isostar Energy Shot, 3 litres de boisson Isostar Hydrate & Perform (alternance citron et cranberry), 4 litres d’eau plate, 6 verres de St Yorre, 3 verres de Coca, 7 comprimés de Sporténine.