S’il y a une épreuve à laquelle je ne participerai jamais c’est bien la fameuse Pierra Menta (course de ski alpiniste à étapes courue en binôme dans le Beaufortain). Étant donné mes piètres qualités de skieur ce ne serait pas raisonnable ! Alors quand j’apprends en début d’année qu’une version estivale aura lieu début juillet, ni une ni deux je m’inscris avec mon copain Romain Basset. Nous n’en faisons pas un objectif mais prenons l’épreuve comme un bon moment à passer ensemble et un bon week-end choc en vu de nos futures échéances. D’ailleurs quelques jours avant nous faisons le tour du Mont Blanc en vélo sur 2 jours. 380Km, 9200m+ et près de 16h de selle, pour faire du jus il y a mieux !
Vendredi 3 juillet Etape 1 Grande Journée
Le départ est donné à 7h30 aux 173 équipes engagées et après seulement quelques secondes de course voilà que je trébuche sur un dos d’âne et suis projeté au sol ! Je me relève aussitôt, le genou droit amoché et l’épaule droite endolorie. Ça commence bien !
Je repars de suite et retrouve Romain qui m’attend un peu plus loin. Le peloton est déjà bien étiré et ça court assez vite sur cette première partie herbeuse mais rapidement nous voilà dans le pentu direction Roche Plane. Je laisse mon équipier devant moi afin qu’il prenne son propre rythme. Je suis assez tranquille malgré la chaleur déjà bien présente et régulièrement j’incite Romain à s’hydrater. La forêt laisse bientôt la place à un décor plus minéral et Roche Plane (2166m) est atteint au bout d’1h30.
La suite est plutôt vallonnée jusqu’au ravitaillement du Chalet du Lac mais la technicité et des pourcentages bien durs font que les kilomètres ne défilent pas très vite. Je sens Romain un peu fatigué et je l’encourage tout en cherchant à le ménager car la course est encore longue. Nous prenons le temps de recharger les flasques au ravito où je grignote quelques amandes et morceaux de bananes.
L’ascension vers le Mont Mirantin (2460m) est vraiment ardue, droit dans la pente. Romain pousse sur ses bâtons et je reste derrière lui me retournant constamment afin de contempler les différents panoramas qui nous sont offerts.
Nous avançons ensuite sur une belle crête menant au dernier gros sommet de la journée, la bien nommée Pointe de la Grande Journée (2460m) que nous rejoignons au bout de 3h26. Nous n’y traînons pas et nous lançons dans la descente. Romain y est plus facile qu’en montée et nous doublons plusieurs équipes avant de rejoindre le col de la Bathie (1889m).
Il fait de plus en plus chaud et la grimpette vers le col de la Grande Combe (2129m) n’est pas qu’une partie de plaisir pour mon compagnon et je continue de l’encourager. Un nouveau ravitaillement en eau nous permet de refaire le plein avant de nous lancer dans la longue descente vers le Planay.
On descend encore une fois assez vite, tout en restant relâchés et attentifs à nos appuis. Nous doublons encore des binômes qui semblent bien fatigués et je sens que nous pouvons encore gagner des places avant l’arrivée. C’est sans compter sur un final caniculaire et pas tout plat au-dessus d’Arêches. Pas question de griller nos cartouches alors j’incite Romain à gérer jusqu’au bout sans se mettre dans le rouge.
Nous franchissons la ligne d’arrivée après 27km et 2600m+/- et 5h20 de course. Nous sommes 35ème mais satisfait d’avoir su éviter les pièges de cette 1ère étape. Pas de défaillance, pas d’insolation, pas de blessure, contrairement à une trentaine d’équipes contraintes à l’abandon !
Samedi 4 juillet Etape 2 Grand Mont
Au réveil Romain m’annonce qu’il a bien récupéré et que ses jambes semblent bonnes. De bon augure pour cette 2ème étape qui doit nous emmener au sommet du Grand Mont (2633m). Mais la stratégie est la même qu’hier, gérer sans se mettre dans le rouge et arriver au sommet avec de la ressource pour faire une belle descente.
Contrairement à la veille nous partons de suite en montée. Mais c’est beaucoup moins raide et l’on peut trottiner régulièrement. Nous faisons course commune pendant de nombreux kilomètres avec les paires Corinne Favre – Benoit Nave et Juliette Blanchet – Mélanie Rousset. Je laisse encore Romain faire son propre tempo et je sens qu’on va un peu plus vite que la veille.
Nous passons aux chalets des Rognoux puis attaquons bientôt l’ascension du Grand Rognoux. C’est le premier passage nécessitant l’usage du baudrier et d’une longe (merci François D’Haene pour le prêt du matos ultra léger !). Je suis bien concentré, c’est pas le moment de faire le mariolle ! Tout se passe sans souci et nous voilà déjà au col de la Forclaz (2374m) où nous attendent la famille et les amis.
Ravitaillement rapide et c’est reparti pour une nouvelle grimpette vers l’Antécime du Grand Mont. Encore quelques passages attachés et nous voilà au sommet. Juliette et Mélanie nous suivent de près mais nous laissent sur place à la faveur de plusieurs névés dans lesquelles elles s’engagent les yeux fermés. Moi je suis pas hyper à l’aise et la glisse c’est pas mon truc … Tout sur les fesses, je tente de me freiner avec les mains ou en roulant sur le côté. On perd quelques places dans cet épisode mais les névés derrière nous nous pouvons reprendre un rythme plus correct pour des coureurs à pied ! D’ailleurs nous redoublons les équipes qui viennent de nous passer et rattrapons même Corinne Favre qui n’est pas la plus nulle des descendeuses !
Au niveau du lac Tournant commence l’ascension vers le Grand Mont (2686m). Je m’arrête remettre mes semelles qui ont bougé dans mes chaussures et laisse Romain partir. Je reviens un peu plus loin alors que nous apercevons devant nous l’arête menant à la croix du point culminant de la journée. Quelques équipes nous doublent mais je suis serein et au vu des descentes précédentes je pense que l’on peut finir fort.
La partie finale vers le sommet nécessite de s’attacher à plusieurs reprises mais je commence à être rodé. Une fois en haut nous ne nous attardons pas. Il ne reste que de la descente, on va se faire plaisir !!
Le début est plutôt délicat à négocier, encore quelques névés mais plutôt plats et pas mal de caillasses. Nous nous en tirons bien contrairement à Benoit Nave que nous rattrapons alors qu’il s’est tordu la cheville.
Nous retrouvons le col de la Forclaz où nous ne prenons que quelques secondes pour nous ravitailler. Sylvain Perrin (Hoka) qui a abandonné m’aide gentiment à défaire ma longe et à la ranger dans mon sac tandis que Manu Odin m’aide à remplir mes flasques. Puis nous nous élançons sur la large piste direction la Tête de Cuvy. Notre foulée est efficace et nous reprenons une par une les équipes nous précédant. Romain est survolté et si dans les montées je me suis plutôt « baladé » dans son sillage, je fais cette fois moins le malin ! Au Cuvy on aperçoit Arêches juste en dessous mais aussi quelques coureurs sur lesquels nous fondons littéralement. Je connais bien cette descente pour l’avoir faite à plusieurs reprises et je peux ainsi prévenir Romain d’éventuels dangers.
Nous franchissons la ligne d’arrivée en 21ème position après 24km et 2300m+/- et 4h34 de course et remontons à la 23ème place du général.
Dimanche 5 juillet Etape 3 Roche Parstire
Ce matin au réveil Romain est moins frais que la veille. Les efforts des 2 jours précédents pèsent dans les guibolles et la descente à tombeau ouvert d’hier n’arrange pas les choses. Mais on a envie de tenter de rentrer dans le top 20 et pour cela il va falloir prendre des risques …
Le départ est donné à 7h. Les premiers kilomètres sont identiques à la veille mais notre stratégie a changé. Je cours devant Romain et lui impose cette fois un rythme un peu plus élevé tout en m’enquérant de son état et en l’encourageant régulièrement. L’ascension vers la Charmette (2058m) n’est pas très difficile en son début mais la fin est beaucoup plus raide. Romain cale un peu et pas mal d’équipes nous doublent ou nous talonnent de près. Heureusement la courte descente vers le pied de la Roche Parstire (2109m) nous permet de refaire notre retard.
L’ascension est vraiment raide et pratiquement tout le monde autour de nous grimpe à la même vitesse. Moi je suis vraiment bien, je m’arrête prendre des photos et reprends ma place sans trop forcer !
On entend bientôt les cloches synonyme de passage au sommet et apercevons un peu plus loin les drapeaux des supporters.
Sur la crête la vue est magnifique. Lac de Roselend, Roc du Vent et Mont Blanc ! Mais pas le temps de traînasser on a encore du chemin. Je fais la descente en tête en encourageant sans arrêt Romain. Nous sommes à nouveau avec Juliette et Mélanie toujours aussi impressionnante (enfin surtout Mélastique 🙂 !) mais à la faveur d’un ravitaillement nous prenons la poudre d’escampette. On a tout optimisé aujourd’hui et Romain se contente de ne porter que 500ml d’eau maximum ( + une flasque vide pour être en règle avec le matériel obligatoire, on y tient …) tandis que je suis chargé comme une bourrique et ravitaille mon pote au moment opportun !
Dans l’ultime ascension vers le col du Pré je pousse Romain afin de l’aider un peu et ma foi ça marche pas trop mal. Il se fait violence et j’essaie de trouver les mots pour l’inciter à ne rien lâcher.
On s’arrose un peu au passage du col avant de reprendre notre course. Un léger faux plat montant nous oblige à trottiner et Romain fait montre d’un courage hors-norme. Il est cuit mais ne cède pas !
Enfin l’ultime descente, plutôt ludique à travers la forêt. On avance bien, je me régale, quel plaisir d’avoir des cuisses encore si solides malgré les 7000m de négatifs !
Le village est en vu tout en bas et nous doublons une dernière équipe à quelques encablures de la ligne d’arrivée. Petite frayeur avec la chute sans conséquence de Romain qui se relève aussitôt.
Nous terminons finalement 28ème après 20km et 1700m+ de course en 2h54′ et conservons la 23ème place du général. Le top 20 était inaccessible et nous terminons l’épreuve sans regret, en ayant couru intelligemment durant ces 3 jours.
Un grand merci aux organisateurs nous ayant permis de vivre ces 3 jours merveilleux. Merci aussi à toutes les personnes nous ayant encouragées durant la course, vous étiez nombreuses !!
