Voici le récit de l’UTMB 2014 de Yann mais aussi celui de sa compagne Murielle dans le rôle de l’assistante !

Profil-UTMB-2014

Vendredi 29 août 2014 à Chamonix

yann et murielle utmb 2014

Yann : Me voilà au départ de l’UTMB en pleine forme et heureux ! J’ai la chance d’être dans le SAS Elite moi qui n’ai presque rien gagné ou presque 🙂 Il y a un monde incroyable autour de l’aire de départ mais bizarrement je suis assez serein, sans pression. Le stress en général c’est quand je suis dans les favoris et que je peux faire un très bon classement. Mais là avec tous ces cadors du trail c’est pas moi qui l’ai la pression !

Les minutes passent hyper vite jusqu’au moment du départ. Ludovic Collet le speaker fait monter la sauce comme il sait si bien le faire. La musique de Vangelis se fait de plus en plus forte tout comme la pluie qui est annoncée jusqu’en début de soirée. J’enfile ma veste tandis que le décompte est lancé. 5, 4, 3, 2, 1 …

Murielle : Ça y est le grand jour est arrivé, la musique sort des amplis. Belle-maman, son compagnon André et moi attendons derrière les barrières parmi la foule. L’émotion est là car je me mets à la place de tous ces hommes et ces femmes qui ont préparé cette course depuis longtemps et qui sont présents aujourd’hui au départ.

5, 4, 3, 2, 1 … J’essaie tant bien que mal de filmer le passage des coureurs devant moi malgré la pluie battante, j’arrive même à apercevoir Yann au passage, je suis contente ! Une fois les coureurs passés, vite nous retrouvons la voiture puis nous nous dirigeons vers les Contamines, premier point de ravitaillement par l’assistance. Quelques bouchons à la sortie de Chamonix mais rien d’alarmant, nous serons à l’heure aux Contamines.

Chamonix-St Gervais (21km 955m+)

17h30 le départ est donné. Je m’étais préparé à ce qu’il y ait une ambiance de fou mais à ce point là non ! Une véritable haie de spectateurs nous acclame pendant près de 2 kilomètres, je ne sens pas mes jambes, c’est incroyable. Je prends mon rythme rapidement sans me soucier de ceux qui s’échappent déjà au loin. La pluie cesse et j’enlève alors ma veste et la glisse dans la poche filet de mon sac. Les premiers kilomètres jusqu’aux Houches défilent rapidement, la traversée du village se fait sous les encouragements d’une foule nombreuse. J’attrape un verre d’eau et un bout de banane sur la table de ravitaillement avant de partir à l’assaut de la première ascension de la journée (ou plutôt de la nuit)vers le col de Voza. Je suis un des premiers à me mettre à marcher en m’aidant des bâtons. Je perds quelques places mais très vite les coureurs qui m’entourent se mettent aussi à marcher. Seuls quelques cadors comme Sébastien Camus ou un peu plus loin Anton Krupicka me doublent en trottinant. J’accompagne d’ailleurs pendant quelques centaines de mètres la star américaine avant de lui souhaiter bonne course et la laisser s’envoler.

col de Voza

La pluie se remet à tomber alors que j’approche du sommet. Mais il ne fait pas froid et comme il n’est prévu que des averses je reste en maillot manches courtes. Il sera bien temps de se changer aux Contamines avant d’attaquer la haute montagne. Je passe le col en bonne compagnie au côté de Renaud Rouanet et Vincent Delebarre entre autres avant de basculer dans la descente bien glissante vers St Gervais. La pluie redouble et le terrain est très humide, je descends bien en essayant d’économiser au maximum mes cuisses. L’arrivée dans St Gervais est fabuleuse. Des gamins tendent la main pour une tape amicale, les encouragements fusent de partout, les gens crient mon nom, un truc de malade ! J’essaie d’en profiter à fond car je sais que dans quelques heures ce sera la solitude de la nuit. Un gentil bénévole (doux euphémisme sur l’UTMB) m’aide à remplir mes flasques d’eau sous le regard bienveillant de Sébastien Chaigneau qui me tape sur l’épaule au moment où je quitte le ravitaillement (56ème).

st gervais

St Gervais-Les Contamines (31km 1581m+)

Je repars en compagnie de Renaud. C’est la première fois que je fais une épreuve aussi internationale et même si je ne suis pas franchement patriote ça fait marrant d’être encouragé par des  »allez les français ».

C’est assez roulant au début et j’en profite pour allonger un peu la foulée et rejoindre quelques coureurs dont Sylvain Arnaud. Avec le mauvais temps la nuit va arriver plus vite que prévu et je sens que la frontale va bientôt être utile. Quelques côtes viennent casser le rythme et je les passe en marchant afin de m’économiser pour la suite. Alors que les Contamines approchent je suis rattrapé par Nathalie Mauclair, la championne du monde, en tête à ce moment là. Elle me demande en passant si elle peut aller jusqu’au ravito sans frontale. A vrai dire je n’en sais trop rien mais elle sera bientôt fixée ! D’ailleurs un peu plus loin je suis obligé de stopper afin d’attraper ma lampe qui devient indispensable. Je rejoins enfin les Contamines par un petit sentier bien raide où il y a encore foule. Je suis alors au côté de l’espagnole Nuria Picas du team Buff (et on dit « boufe », c’est catalan et elle y tient ! ). Je retrouve alors Murielle sous la tente où m’attend mon ravitaillement et de quoi me changer (54ème).

contamines

Nous arrivons aux Contamines vers 19h30, le centre ville est barré et un parking est signalé sur la gauche. Une fois garés nous allons voir où est installé la tente d’assistance, puis nous mangeons un casse- croûte avant l’arrivée de Yann prévu pour 20h45. Quelques minutes avant son passage, j’installe tout ce dont il a besoin sur un banc.

ravito

Je ressens tout de suite la convivialité des lieux avec les encouragements aux coureurs par leur prénom et les retrouvailles des coureurs avec leurs proches.

L’ambiance aidant je suis toute excitée au moment où Yann arrive. Je cours le chercher à l’entrée pour l’emmener avec moi vers la table. Je fais le constat de ce qu’il lui manque en barres et remplis ses gourdes d’eau. Ça semble aller, il repart assez rapidement après un petit bisou, je lui souhaite une bonne nuit en espérant que tout aille au mieux. Allez, je remets tous dans le sac de ravito et maintenant direction Courmayeur.

Les Contamines-Les Chapieux (50km 2911m+)

Je suis bien trempé et je prends alors le temps d’enfiler un nouveau maillot et de bien m’alimenter. Il y a du monde sous la tente et beaucoup d’effervescence. On discute un peu avec ma chérie et mon arrêt dure quand même au moins 10 minutes. Je repars après avoir enfilé ma veste de pluie Raidlight Top Extreme car la pluie ne cesse toujours pas. Quelques marches d’escaliers pour rejoindre l’artère principale des Contamines bondée de monde. Encore quelques kilomètres assez plats et je rejoins Notre Dame de la Gorge qui marque le début de la longue ascension vers le Col du Bonhomme. Grosse ambiance, feu de camp géant et musique pour nous accueillir. Mais le passage est furtif et très vite, après avoir dépliés mes bâtons, me voilà à fouler les dalles du chemin menant vers les sommets.

Je monte pas trop mal mais je manque un peu de puissance et me fait doubler régulièrement. Rien de grave, je suis dans ma bulle et l’objectif n’est pas dans le classement final. Au niveau de la Balme, dernier refuge avant le col je suis rejoins par François Faivre. On boit une petite soupe et remplissons nos flasques avant de repartir ensemble. Pour le moment tout va bien, déjà 4h20 de course, pas de bobos, la pluie qui s’est arrêtée et un joli serpentin lumineux de frontales visibles dans mon sillage. Mais un peu plus haut alors qu’il faut crapahuter au milieu des rochers, noir total ! Ma frontale vient de rendre l’âme ! Heureusement le règlement impose 2 lampes et il ne me faut que quelques secondes pour retrouver la lumière. Par contre François s’est envolé et je commence à cogiter un peu… Et si ma seconde lampe me fait le même coup ?? Comment faire si je me retrouve à nouveau dans le noir complet ? Je suis un peu inquiet pendant le reste de l’ascension avant d’oublier petit à petit l’incident et de me concentrer sur ma course. Il le faut car une fois au refuge de la Croix du Bonhomme (2439m)une longue descente nous attend.

Je ne l’avais pas trop apprécié lors de la reconnaissance en juillet dernier car il fallait chercher son chemin et le sol était particulièrement casse-gueule. Mais finalement, de nuit avec du balisage réfléchissant la descente est plus aisée et finalement je ne mettrai les fesses par terre qu’à une seule reprise.

Je retrouve donc les Chapieux plus vite que prévu où un contrôle du matériel obligatoire m’attend (enfin contrôle assez sommaire : veste, frontale et réserve d’eau …) avant de m’engouffrer sous la tente du ravitaillement où je prends 5′ pour m’alimenter, enlever ma veste car il fait presque chaud et ranger mes bâtons (71ème).

les Chapieux

Les Chapieux-Lac Combal (65km 3869m+)

Une longue portion sur route nous attend pour rejoindre le pied du col de la Seigne. Je trottine au début puis passe en mode marche dès que la pente se raidit, toujours en mode économie. Quelques gars me passent mais en me retournant je constate que le peloton est bien clairsemé et qu’il commence a y avoir des écarts entre les coureurs. Juste au pied du col j’ai la surprise de voir revenir Vincent Delebarre (ancien vainqueur et grand monsieur du trail pour les incultes!). On fait toute la montée ensemble, sans trop causer, et à proximité du sommet alors que je suis assez bien je lui prends quelques centaines de mètres. Je ne m’arrête pas au sommet (2507m) et bascule très vite de l’autre côté. De nuit les repères sont bien différents et je ne reconnais pas vraiment la descente vers le lac Combal. Je suis d’ailleurs assez surpris d’apercevoir au bout d’une vingtaine de minutes la lumière du ravitaillement. J’y arrive quelques instants après en plein milieu de la nuit. Il y a 5 ou 6 coureurs qui s’y restaurent dont Emmanuel Gault qui ne semble pas au mieux. Je ne m’arrête pas longtemps, juste le temps de refaire le plein et grignoter un bout de banane. Courmayeur est proche et j’aurai le temps de m’y reposer un peu plus longtemps (72ème).

Lac Combal-Courmayeur (78km 4337m+)

La longue ligne droite longeant le lac et interminable de jour mais passe bien de nuit. Je cours encore bien et suis surpris d’arriver si vite au pied de la grimpée vers l’arête du Mont Favre. Je l’attaque à nouveau en compagnie de Vincent Delebarre. Il me dit de ne pas hésiter à lui demander de me laisser passer si le rythme est trop lent. Mais l’allure me convient bien, pas hyper rapide mais on avance quand même. Sur un replat Vincent accélère en trottinant mais je laisse faire et mon compagnon s’éloigne doucement. Je parviens au sommet (2409m) seul et attaque la partie vallonnée vers le col Chécrouit.

Je cours tout le long sur un petit single et arrive enfin au col où se tient un nouveau ravitaillement. Encore une fois je prends quelques instants pour remplir les flasques et boire une soupe revigorante. Et là arrive Damien Trivel. C’est drôle de se retrouver ici car en 2011 et 2012 nous étions déjà ensemble ici même en début de TDS. On repart ensemble pour la longue et difficile descente vers Courmayeur. Elle est assez raide avec de grandes marches et quelques racines et il faut être prudent. Nous faisons toute la descente en papotant et c’est bien sympathique car les kilomètres défilent plus vite. Par contre je commence à sentir que les cuisses tirent un peu et ce n’est pas bon signe avec ce qu’il reste au programme…

Quelques coureurs nous reviennent dessus et c’est au sein d’un joli groupe de francophones que j’en termine avec la descente. A mes côtés Damien, Pierre Minary, Sébastien Henri et le suisse Jean-Yves Rey (ancien vainqueur de la CCC). Dans les ruelles endormies de Courmayeur nous revenons malheureusement sur François Faivre qui semble dans le dur. Chacun lui adresse un petit mot de réconfort et nous parvenons enfin au complexe où se tient le ravitaillement. Un coucou en passant à ma maman et André qui m’attendent derrière les barrières et je retrouve Murielle qui m’accompagne à l’intérieur dans un coin où elle a préparé mes affaires de rechange (72ème).

courmayeur

Des Contamines nous retournons à Chamonix nous prenons le tunnel du Mont blanc, le trafic est fluide, nous arrivons à Courmayeur silencieuse et calme. Nous trouvons facilement le Forum Sport Center où se tient le ravitaillement (merci le guide de la mobilité destiné aux accompagnants ! ). Il est environ 22h30, je fais le tour des lieux, il y a de la musique au 1er étage, plein de jeunes y affluent, une soirée animée bat son plein ! Derrière le bâtiment il est impressionnant de voir tous ces sacs jaunes de coureurs installés par les bénévoles. Yann est censé arrivé vers 4h du matin alors nous avons le temps de nous reposer. Malgré la musique résonnante et le bruit des passants, la petite sieste de 30 minutes dans la voiture fait du bien ! Au réveil nous retournons dans la salle, il y a une petite cafet’ où nous prenons café et croissants en compagnie de reporters et d‘autres accompagnants.

Je m’approche ensuite de l’entrée des assistants, montre mon ticket à un gars qui regarde sa feuille et me dis que je dois attendre avant de rentrer. Alors je m’installe à terre, j’encourage François D’Haene et les premiers coureurs. Je me rends compte que je vais sûrement attendre encore car Yann est environ 70ème au classement d’après les derniers pointages obtenus par SMS.

Ça y est on m’informe que je peux entrer dans la zone de ravitaillement. Je fonce m’installer dans un coin, sort les chaussures et les vêtements de change d’un côté et les barres et boissons de l’autre. J’installe aussi une chaise avec une serviette dessus. Une fois prête je peux alors échanger quelques mots avec Dawa Sherpa !

Yann arrive enfin, toujours en forme. Je l’aide à changer de chaussures et de chaussettes, je regarde aussi s’il s’est bien alimenté et lui remets des barres dans son sac. La pause est courte, Yann repart déjà mais je suis contente qu’il aille bien.

Maintenant direction la Suisse, passage prévu autour de 10h15 à la Fouly.

Courmayeur-Arnuva (95km 5538m+)

Ma pause dure un peu moins de 15′. Je salue Dawa Sherpa qui attend un de ses poulains puis je change de maillot mais aussi de chaussettes et de chaussures tout en prenant le temps de bien récupérer. J’attaque une assiette de pâtes à la sauce tomate mais bien qu’étant en Italie elles ne sont pas terribles et je ne peux terminer ma portion. Le quart d’heure passe très vite et lorsque je quitte le ravitaillement il est un peu plus de 4 heures du mat. André m’accompagne quelques centaines de mètres avant de me laisser filer en compagnie de Jean Yves Rey. Le suisse attaque en trottinant la remontée vers le centre-ville tandis que je me mets à marcher. C’est donc seul que je traverse Courmayeur complètement désert.

J’ai quelques doutes à un moment ne voyant plus de balisage, je fais demi-tour et tombe nez à nez avec la brésilienne Fernanda Maciel. Alors que je lui demande si elle est sûr du chemin une voix surgit d’un balcon et nous informe que le tracé passe bien par là. Et effectivement nous retrouvons un peu après le fléchage. J’accompagne quelques instants Fernanda mais je commence à sentir un peu de fatigue et je la laisse s’envoler. J’ai un peu de mal dans la montée vers Bertone mais je ne m’affole pas même si plusieurs coureurs me passent sans que je puisse les suivre. Par contre je retrouve Delebarre à l’arrêt au bord du chemin, complètement cuit. Le gaillard a sommeil et je ne peux donc pas grand chose pour lui. Moi aussi je sens qu’une petite sieste pourrait me faire du bien et quand j’arrive enfin au niveau de Bertone je demande à un bénévole s’il est possible que je dorme mais surtout qu’on me réveille au bout de 15′. Ce à quoi je ne m’attends pas c’est qu’on m’ouvre les portes d’un petit gîte pour une sieste bien au chaud sur un vrai matelas au milieu de randonneurs profondément endormis ! Je somnole quelques minutes mais ne trouve pas vraiment le sommeil. Mais au bout de 12′ je sens que ça va mieux et je me décide à repartir. Je laisse alors ma couchette à Vincent Delebarre qui m’annonce qu’il va dormir 3h pour se refaire et qu’il compte bien rejoindre Chamonix quelque soit le temps.

Le jour commence à se lever et la partie relativement roulante jusqu’à Arnuva est de toute beauté ! Le ciel est magnifiquement bleu et je contemple les Grandes Jorasses et les autres sommets environnants. Après toute une nuit dehors ce spectacle fait du bien. Bon je n’avance pas aussi vite que je l’espérais sur ce secteur où il est possible de bien trottiner mais j’avance quand même et c’est bien l’essentiel. Je bois un thé chaud sucré au niveau du refuge Bonatti où je ne traîne pas. Je suis au 90ème km et j’ai remarqué que lors des précédentes éditions la plupart des coureurs en sont ici à la moitié au niveau timing. Ça fait 13h22 que je cours donc moins de 27h est envisageable si je ne faiblis pas trop… C’est donc motivé que j’en termine avec le sentier en balcon surplombant le Val Ferret et je retrouve Arnuva après une courte descente négociée sans souci malgré des cuisses déjà bien endolories (86ème).

Arnuva-La Fouly (110km 6490m+)

Je prends 5 minutes à l’intérieur du ravitaillement pour me désaltérer et grignoter de la banane puis repart tranquillement. Quelques centaines de mètres tout plat en trottinant puis c’est parti pour la très longue ascension vers le Grand Col Ferret. Ma vitesse ascensionnelle s’est bien dégradée au fil des heures et je suis bien plus prêt des 600m+/h que des 900 du début de course. Heureusement la vue est belle et je double de temps en temps quelques randonneurs ! Un coureur me rejoint en la personne de Samuel Usson. On discute un peu et la fin de l’ascension passe plus vite.

A proximité du sommet je le laisse partir et j’arrive tout seul au col (2527m). Quasiment 100 kms dans les guibolles et 15h30 d’effort. Je sais que la descente qui vient est un moment très important de l’épreuve. On peut courir tout le long ou presque et gagner beaucoup de temps si l’on est encore frais. J’arrive encore à trottiner malgré les cuisses de plus en plus raides. Mais le petit sentier en balcon descendant à la Fouly n’est pas de tout repos avec quelques petites remontées assassines. J’avance quand même et je double la jolie américaine Leila Degrave avant d’arriver enfin dans le petit village suisse de la Fouly par une route goudronnée qui permet de soulager un peu les cuisses.

André est venu à ma rencontre et m’accompagne jusqu’à l’entrée du ravito. Pas d’assistance ici mais ça fait du bien de retrouver ma chérie et ma maman que j’ai quittées en pleine nuit il y a un peu plus de 6 heures. Je me restaure rapidement, soupe et fromage (on est en Suisse quand même) et repart en marchant avec la famille à mes côtés. Je leur avoue que ça commence à être dur au niveau musculaire mais que je vais essayer de ne pas lâcher (80ème).

la fouly

Toujours de nuit, nous prenons la direction de la Suisse via Aoste et le tunnel du Grand Saint Bernard. Le voyage semble interminable mais avec tous ces panneaux de signalisation clignotants indiquant les virages je ne risque de m’endormir. Arrivés à la Fouly le jour pointe son nez au-dessus des montagnes c’est très joli. Nous prenons le petit déjeuner en attendant l’arrivée de Yann qui vient de passer le Grand Col Ferret d’après le SMS reçu.

Quand je l’aperçois courant au loin, je suis rassurée et contente ! Je l’encourage au passage et le laisse entrer dans la tente. Ici l’assistance n’est pas autorisée et Yann se ravitaille seul. Mais une fois sorti nous pouvons l’accompagner pendant plusieurs centaines de mètres. On bavarde un petit peu avant de le laisser s’engouffrer dans un petit single sur la gauche. Nous retrouvons la voiture, direction Champex où je pourrai cette fois l’assister.

La Fouly-Champex (124km 7057m+)

C’est encore assez roulant pour aller jusqu’au pied de la montée vers Champex. Je trottine encore la plupart du temps mais suis obligé de marcher au moindre faux plat montant. Les 110km et presque 17h dans les gambettes commencent à peser … Je me motive comme je peux et arrive à courir jusqu’au village d’Issert que j’aperçois au loin.  »Allez Yann tu cours jusqu’au pied de la côte et après ce n’est que de la marche jusqu’au ravitaillement de Champex !!! » Cette montée qui m’avait semblé si courte et pas très dure lors de la reconnaissance en juillet me paraît interminable cette fois. La vitesse ascensionnelle chute autour de 500m+/h mais l’important est d’avancer.

Je suis bien content de retrouver André venu à ma rencontre et qui m’accompagne encore une fois jusqu’à l’entrée du ravitaillement. Murielle m’y attend et m’indique la table où je vais essayer de me requinquer. Il y a beaucoup de coureurs attablés essayant de se reposer. Je commence par prendre le temps de changer de maillot. Il fait vraiment chaud et j’opte pour le débardeur Trail Marathon Raidlight. Ensuite je me dis qu’une petite sieste éclair de 15′ pourrait m’être bénéfique et je m’allonge alors sur un banc et somnole quelques instants. Ces quelques minutes de repos me font du bien et je me sens plus frais et motivé pour repartir à l’attaque des 40 derniers kilomètres. Je croise Alexandre Hayetine qui est arrivé un peu après moi à Champex mais va repartir avant. Faut dire que je traîne un peu et que mon arrêt dure en tout 30 minutes.

A Champex nous sommes  »parqués » au bord du lac par un bénévole, expression nous rappelant que nous sommes bien en Suisse !

Dans l’immense barnum où à lieu le ravitaillement je vois des coureurs emmitouflés dans des couvertures, tout blancs, semblant bien fatigués. Je me demande alors dans quel état va être Yann !

Quand je l’aperçois enfin descendre la petite côte menant vers moi avec une démarche chancelante et les appuis fuyants, je me rend compte qu’il est lui aussi plus très frais ! Il m’annonce qu’il commence à sentir de la fatigue et hésite entre faire une longue pause où repartir rapidement. Je l’aide à se changer et lui propose différents ravitaillement mais il n’a pas vraiment fin et se contente d’une soupe. Finalement il m’annonce qui ferait une petite sieste de 15′ et me demande de le réveiller. Il s’allonge sur le banc, je lui mets une couverture et le laisse se reposer. Pendant ce temps un photographe de l’Equipe Magazine immortalise la scène mais le cliché ne sera finalement pas édité. Dommage !

Sur les conseils d’un médecin je surveille Yann de près ! Il se relève avant les 15 minutes et me dit qu’il est prêt à repartir malgré ses cuisses meurtries.  Je suis un peu anxieuse mais lui donne rendez-vous à Trient d’ici quelques heures …

Nous le doublons en voiture à la sortie de Champex. Il nous crie en rigolant qu’il est en mode  »marche nordique » ce qui me rassure un peu.

champex

A 13h14 je quitte enfin le ravitaillement (83ème) accompagné par ma maman sur quelques centaines de mètres. Mes lentilles me piquent un peu les yeux avec la transpiration et je passe alors en mode lunettes de soleil de vue. Si la pause a fait du bien à ma tête, il n’en est pas de même pour mes jambes. Des méchantes courbatures aux cuisses me font souci… Je marche le long du lac en commençant à cogiter et à faire des calculs : 40km en marchant, à 5km/h ça fait 8h soit une arrivée à Chamonix en moins de 28 heures… Je m’accroche à cette idée mais les quelques coureurs qui me doublent en trottinant un peu plus loin me mettent un peu le moral dans les chaussettes. Impossible de trottiner ! Je croise Dakota Jones qui a fait demi-tour et retourne à Champex pour abandonner. Pour moi pas question d’arrêter, il faut marcher encore et encore… Mais la descente suivante raide et quelque peu technique me renvoie à ma triste réalité : chaque pas est une souffrance et me taper encore 3000m de dénivelé négatif est tout simplement inenvisageable… Je rejoins tant bien que mal la petite route menant au hameau du Plan de Lau. Ma décision est prise rapidement, j’arrête là. Pas envie de finir coûte que coûte, de galérer et me détruire… Un petit coup de fil à l’assistance déjà en train de m’attendre à Trient pour qu’elle vienne me récupérer. Puis je m’assois sur le bas côté et encourage les coureurs qui passent.

Nous venons à peine d’arriver à Trient après une multitude de virages que nous recevons un coup de téléphone de Yann qui nous annonce qu’il arrête et se trouve au Plan de Lau !!! Je pense tout de suite aux 30 minutes de voiture tout en lacets à refaire dans l’autre sens ! Mais très vite l‘envie de le retrouver prend le dessus et c’est avec des interrogations que nous allons le chercher … Nous le retrouvons enfin après plusieurs cafouillages de direction, assis au bord de la route. Ouf, il n’est pas blessé, juste ses jambes qui ne le  »portent » plus. Je suis déçue pour lui mais il semble le prendre du bon côté.


Mon UTMB 2014 se termine après 127km et 20h42 de course. Pas de regret, je suis heureux du chemin parcouru et avec le recul j’analyse très bien cet abandon : mon dernier ultra de plus de 100km date de 2011 et on ne s’improvise pas comme ça ultra-trailer. Il faut façonner son corps et son mental pour ce type d’effort et cette expérience me servira dans le futur. Car je reviendrai la finir cette course. Probablement dans 2 ans, le temps de m’endurcir et d’aller chercher les fameux points qualificatifs (l’un n’allant pas sans l’autre d’ailleurs).

Le mien se termine après 300 km de voiture en compagnie de belle-maman et son compagnon André, présence indispensable pour ce long périple. Nous avons vu des paysages magnifiques, rencontrés des gens très sympathiques, assistés à une belle bagarre entre François et les espagnols et soutenu Yann du mieux possible. Bref, un tour du Mont Blanc inédit à refaire, mais toujours en voiture !


Retrouvez aussi le test des barres Isostar utilisées par Yann pendant l’UTMB